Maeve Lowell | La fille qui rêvait d'un bidon d'essence et d'une allumette

Ma vie ? Ma vie c'est un chaos, c'est comme une danse, on sait quand elle commence, on ne sait jamais comment elle finit. Je suis née au cœur de l'hiver, sur une petite île, dans un pur patelin Irlandais, bien paumé, et pourvu de plus de moutons que d'habitants. Mon père y tenait un garage, ma mère, une mercerie. On ne peut pas dire que mon enfance ait été particulière. J'ai du survivre sous les assauts de six frères, et... hé bien je suis toujours vivante ! Un peu amochée, mais vivante. Très vite, j'ai présenté de grandes dispositions pour la mécanique.
Après tout, j'ai crée ma première voiture à l'âge de six ans. Elle faisait environ cinquante centimètres. Elle marchait à la vapeur. Il suffisait de mettre de l'eau dans le réservoir, que l'appareil chauffait, et la vapeur actionnait la petite voiture. Je l'avais appelée Antoinette. Et Antoinette resta avec moi jusqu'au jour où elle n’explosa presque au visage. Enfin... C'est surtout que la bougresse me cracha une fumée noire et tellement opaque qu'elle vous en aurait collés les poumons. La faute à mes diables de frères qui avaient remplacés l'eau par de la moutarde... La bande de malins.
Enfin... la petite Maeve grandit pour devenir adulte... mais il n'y avait pas d'avenir pour moi dans mon petit village. Mon père avait décrété que son aîné lui succéderait au garage alors même que j'étais la plus talentueuse. Mais une fille... reprendre les affaires de son père ? Il faut dire que ce n'est pas vraiment accepté. Je partis donc à la capitale suivre des études supérieures, j'appréciais particulièrement les mathématiques et l’ingénierie, et j'attrapais tous les savoir que je trouvais pour me les approprier. C'est sur les bancs de l'école que je rencontrais celui qui serai plus tard mon mari. Mon cher et tendre... Il n'était pas grand chose et les gens le regardaient de haut. Ce n'était qu'un inconnu dans une masse grouillante et pourtant... il avait vraiment un bon fond. Étant dans la même filière nous travaillions souvent ensemble. Et de fil en aiguille, par je ne sais quel miracle, on finit par se marier. Mais pas le temps de célébrer cet heureux événement. J'étais jeune, du haut de mes dix-neuf ans, et la guerre m'arracha mon homme. Il dût prendre les armes. Nous conversions par lettre. Je garde d'ailleurs précieusement tous ces papiers dans une boîte au sous sol. Le seul endroit épargné par les bombardements. Cela dura un an. J'acceptais ses demandes, ses suppliques. Reste à la maison, prend garde à toi.
Puis l'embrigadement était tel qu'un beau jour, je me dirigeais vers la première base militaire, ma trousse à outils comme seul bagage. J'étais mécano... Je savais réparer les moteurs. C'est ainsi que, sur le tas, et pendant 6 ans, j'appris à réparer des moteurs, des engins en tout genre, des avions, des tanks, des voitures aussi, enfin un tas de chose, c'était enrichissant, et puis j'étais vraiment dans mon élément, ça me faisais du bien... C'était incroyable. J'étais utile. Je ne dis pas que me faire accepter a été facile. C'était rude... Très rude... Pour moi, en tant que femme, mais aussi en tant que mécano, mais je faisais bien mon taff, je mettais au point quelques petites choses facilitant la vie de nos pilotes. Là bas... On m'apprit les bases. Même si j'étais une femme, les hommes voyaient ça comme un passe temps entre deux batailles. Je n'étais pas au cœur du charnier, mais je participais du mieux que je pouvais. J'appris donc à entretenir une arme, à tirer avec, à lancer des grenades, les premiers secours et à conduire pas mal de petits bijoux. Tout ça me passionnait, j'étais dans mon élément. Mais, malheureusement pour moi, et heureusement pour le reste du monde... la guerre prit fin. C'était une bonne chose, je le savais. Mais une partie de moi regrettait cette époque dorée. L'autre... L'autre attendait avec impatience son cher mari. J'étais revenue au foyer, je cuisinais comme avant, j'entretenais la maison comme avant... mais tout avait un goût différent. Un matin, alors que j'attendais toujours le retour de mon homme, on frappa à ma porte. Il s'agissait de deux hommes en uniforme. Formels. Ils étaient vêtus de noir. Ils me remirent une lettre en disant « toutes mes condoléances madame ». Qui était donc mort ? Je me souviens avoir parcourus les quelques lignes, ma main tremblait, puis l'angoisse me fit choir, et la tristesse me dévasta comme un ouragan impitoyable, repliée sur moi même, je serrais la lettre contre mon cœur. Mon cher Jack... il ne reviendra jamais... Jamais... Ma vie se poursuivit.
J'hésitais à rouvrir un garage, à la place de ma mercerie, mais qui accepterait d'une fille comme garagiste ? Personne. La société souhaitait que les femmes soient à leur place. Dans des rôles de femmes. C'est alors qu'un homme vint me voir un jour. Il me proposa une chose folle. Travailler pour une organisation non gouvernemental, une organisation des plus intéressantes qui me permettrait d'user de mes talents. Sans réfléchir et sans regarder derrière moi... j'intégrais alors le Shield.

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