Ruby L. Braveheart

Je suis née en Irlande. Mais nous avons rapidement migrés vers les États-Unis. L’Irlande je n’en ai que l’origine. Autrement je me sens purement américaine. Nous avons été relégués dans les bas quartiers de New York comme des parias. Quand j’ai vu comment on nous traitait, je me suis inventée une identité ethnique. J’ai appris à ne plus avoir d’accent, j’ai appris surtout à oublier… Oublier d’où je venais, oublier que mon père avait perdu son travail et s’était mis à boire. J’avais beau être de modeste origine, il n’en restait pas moins que j’avais très bien compris le truc. Si j’étais brillante en classe, j’avais une chance de sortir des méandres de la Terre où j’étais. Je n’étais pas tellement sociable, je me battais souvent, mais mes notes frisaient la perfection. Oui, frisaient, car il y avait un gamin meilleur que moi, dans toutes les matières. Il s’appelait Howard et lui aussi il était de basse extraction. Mais lui était prêt à tout pour réussir. Et réussi, il l’a fait, haut la main ! Inventeur de génie, et une des plus grandes fortunes de notre temps.

Pour ma part, je n’ai pas eu une réussite aussi énorme que lui. A la mort de mes parents, je me suis engagée, enfin j’ai essayé, je n’avais pas vraiment la carrure d’une militaire. J’étais d’une maigreur affligeante, mais j’avais largement la jugeote. Je n’avais plus rien, mon père m’avait laissé des dettes immenses, et par conséquent notre appartement a été saisi. Pour le peu qu’on y avait… Je garde pourtant une médaille, un anneau et un petit poignard. Je sais m’en servir. Alors je suis rentrée dans une bande pour apprendre à me battre et à manipuler les armes… Mais j’en suis vite sortie quand j’ai appris que les femmes étaient recrutées en nombre pour rejoindre un programme spécial de pilotes. Après un entrainement acharné et difficile, je suis entrée dans le programme WASP (women airforce service pilots) qui a été dissolu en 43. Au vue de mon dossier et de mes réussites, j’ai été appelée à rejoindre le front allemand en tant qu’opératrice de manœuvres (en gros logistiques, écoutes, ce genre de choses) Attaque de la base par la Luftwaffe. Nous sommes nombreux à être faits prisonniers, beaucoup sont morts. Mais nous avons été libérés par le Captain America et ses Howling Commandos. Des militaires de son escouade qui ont promis de le suivre. Un homme gentil, très attaché à sa mission. Ce fut ma première et ma dernière rencontre avec lui. Mais cette rencontre m’a permis de me faire connaître auprès de la SSR et de revoir un homme que jamais je n’aurai pu imaginer recroiser… Howard… Ce petit bonhomme qui ne payait pas de mine mais qui avait un grand potentiel était propulsé en haut de l’affiche. Inutile de vous dire que longtemps après, le choc de nos retrouvailles a été fort. Quand j’ai vu toutes les femmes qu’il pouvait avoir… Je me suis dit après la guerre que je devrais plutôt oublier qu’il puisse m’aimer…

Je suis entrée à la SSR car beaucoup de monde était manquant à la fin de la guerre. J’ai été affecté à un bureau, obéissant aux ordres d’un homme, forcément… La routine s’installe. Je suis, fiévreuse les mésaventures de Howard par les journaux… J’ai cru que ma vie allait se cantonner à apporter le café, rédiger des rapports et être aux petits soins de molosses sans cervelles. Jusqu’à cet appel…

- Je cherche à joindre l’agent Braveheart ?
Une voix de femme, sûre d’elle. Elle arrive à titiller ma curiosité. La SSR qui a les numéros privés de ses agents ? Cela me paraissait logique mais étrange.
« Qui la demande ? »
- Agent Carter du bureau de Manhattan…
Et là le temps s’arrête. Combien de mois, d’années, de siècles ? Combien de temps s’est écoulé depuis que je ne l’ai plus revu ni entendu sa voix. Et Howard ? Maintenant que la presse le laisse un peu dans ses frasques, qu’est-il devenu ?
« Peg ? Miss Peggy ! Bah si je m’attendais à un appel de ce genre, comment m’as-tu trouvée ? »
- Peu importe, dis-moi, je suppose qu’ils ne te traitent pas à ta juste valeur là-bas ? Juste le café et s’il pouvait aller plus loin dans l’abus il le ferait…
Je soupire lourdement, cette existence, ne me plaisait pas du tout, et ce n’est pas dans ce genre d’univers que j’allais trouver un homme. Avec la presse, je suivais presque en temps réel, les nouvelles copines de Howard et je n’avais même pas envie de trouver chaussure à mon pied. Comme elle après la perte du Captain…
« C’est un fait… Pourquoi tu me dis tout ça ? »
Je la sens lourdement soupiré.
- Surveille ton courrier, je t’attends dans trois jours…
Elle raccroche. Sans un au revoir… L’appel en lui-même a dû durer quelques dizaines de secondes… Et en effet le lendemain je recevais un billet d’avion et des instructions. Avec un mot… HYDRA… Ok, là c’est clair… Le jour J je suis au lieu du rendez-vous, et c’est un gamin qui m’y attend et qui me délivre un autre pli. D’autres instructions et une clé. Une adresse, à Manhattan. Je m’y rends. Et l’homme qui m’attend est Howard lui-même.
<< Bien le bonjour ma chère Ruby… Tu as pu t’en sortir comme un grande de ce que je peux voir… Ici, l’avenir t’attend… >>

FIN (911 mots)