Rencontre pour la sauvegarde du monde (+ Melvyn, Howard)

Je n'avais jamais été impressionnée par les hommes. Peut-être par mon père, quand j'étais enfant, et encore. Mickael me soutenant, je n'avais peur de rien. Pourtant, d'après les quelques recherches que j'avais effectuées avec l'aide d'un agent du SHIELD, Melvyn Mornet était un personnage impressionnant. Chef d'entreprise, politicien influent, anobli par le Roi Georges VI... Décidément, il n'était pas ordinaire.
Ce fut sur cette pensée que je décidai enfin de me lever. Aujourd'hui, je devais rencontrer cet homme, qui avait des choses à me dire sur la sauvegarde du monde, si j'en croyais la lettre que j'avais reçue à mon bureau trois jours plus tôt. J'avais discuté avec Howard des possibles implications, et nous avions décidé de le recevoir aujourd'hui. Il allait être le premier civil à monter au deuxième étage de notre bâtiment.
Tandis que je mettais l'eau à bouillir pour mon thé du matin, je songeai aux mesures de sécurité que nous avions prises pour la venue de Sir Mornet. Un pass avait été réalisé, avec l'une des photos que nous avions trouvé dans les journaux, et il devrait le garder en permanence sur lui. Les agents de sécurité avaient été prévenus, et l'un d'eux escorterait notre visiteur en permanence -sauf dans notre bureau, à Howard et à moi. J'étais parfaitement capable de me défendre -de nous défendre- s'il s'avérait que Sir Mornet avait des intentions belliqueuses.
Une fois mon thé prêt, je le bus rapidement avant de m'habiller. Une tenue sombre, à la coupe classique, pour souligner le fait que j'étais parfaitement à ma place dans le bureau qui allait nous accueillir. Le souvenir de certains de mes collègues de la SSR doutant du bien-fondé de ma présence dans l'organisation me faisait encore grincer des dents.
Lorsque j'arrivai devant le bâtiment abritant le QG du SHIELD, huit heures sonnaient. Parfait. Il me restait une petite heure pour préparer les documents à envoyer aux agents que nous avions déployés en Allemagne pour recruter des scientifiques et ingénieurs allemands.
J'avais déjà appelé quatre fois chez Howard -sans succès, décidément, la soirée avait dû être longue- lorsque mon téléphone sonna. C'était notre réceptionniste, qui m'informait qu'un homme du nom de Melvyn Mornet me demandait.
« Vérifiez son identité avec le pass qui se trouve au bureau de la sécurité -je l'ai laissé à William-, je descends tout de suite. Je veux un agent de sécurité avec lui tout le temps. »
Je raccrochai, puis tentai une cinquième fois de joindre mon associé. Essuyant un nouvel échec, je soupirai, avant de remettre ma veste en place et de descendre pour accueillir mon visiteur. Décidément, Howard ne serait jamais là à temps !
De toute évidence, les vérifications avaient été faites lorsque j'arrivai en bas, puisqu'un agent de sécurité se tenait non loin de Sir Mornet, installé dans un fauteuil du hall. Je m'approchai de lui et lui tendit la main.
« Sir Mornet ? Peggy Carter, enchantée. »

Sir Mornet avait une poigne ferme, et je fus ravie de voir qu'il ne ménageait pas sa force parce que j'étais une femme. Nombre de mes anciens collègues le faisaient, et lorsqu'ils s'apercevaient que cela me mettait hors de moi, ils exagéraient leur délicatesse. Au moins, cet homme n'avait pas l'air d'avoir de doutes quand à ma légitimité en ce lieu.
« Je vous propose de monter. M. Stark ne devrait pas tarder à nous rejoindre, mais nous allons devoir commencer sans lui, il a un empêchement de dernière minute. »
Howard ne perdait surtout rien pour attendre, et dans l'intérêt de sa survie, il valait mieux qu'il ne tarde pas trop. Et surtout, qu'il ne déboule pas en commençant à raconter sa soirée de la veille au milieu de ma conversation avec Mornet.
Je fis signe à Georges, l'agent de sécurité qui avait été affecté à la surveillance de notre visiteur, et nous montâmes tous les trois dans l'ascenseur menant au premier étage. En effet, pour sécuriser un maximum le deuxième, un second ascenseur situé à l'autre bout du bâtiment faisait la jonction entre le premier et le dernier étage de l'immeuble. Et il était gardé jour et nuit.
« Bonjour, Derek. Georges et Sir Mornet sont avec moi. »
« Bien madame.»
Il tapa le code pour ouvrir les portes de l'ascenseur, et nous y entrâmes tous les trois. Je savais que Georges n'était monté pour la première fois que deux jours plus tôt, lorsque nous lui avions parlé de la visite de Sir Mornet. Il avait ainsi pu repérer la configuration des lieux en prévision d'un imprévu.
Je guidai les deux hommes vers le bureau que je partageais avec Howard et demandai à Georges d'attendre à l'extérieur. Il hocha la tête, ayant été prévenu de la procédure, et j'entrai à la suite du visiteur.
« Puis-je vous proposer un thé ? »
J'espérais qu'il dise oui -cela me permettrait de reculer encore un peu le début de la réunion, en espérant que mon associé ne tarde pas trop à arriver tout de même. Et puis, avec la montagne de paperasse dont j'avais dû m'occuper le matin même, je n'avais pas eu le temps de boire mon second thé de la journée.

Puisque Sir Mornet avait accepté ma proposition d'un thé, je m'attelai à la préparation de ma boisson favorite. Je n'avais que du Earl Grey sous la main, mais mon visiteur faisant partie de l'aristocratie anglaise, il ne devrait pas m'en tenir rigueur.
Tout en répétant les gestes que je connaissais par coeur, je l'écoutai attentivement. Il avait l'air d'être un homme pressé, ne souffrant aucune discussion, aussi je me gardai bien de l'interrompre. Et puis, de manière générale, je ne coupais mes interlocuteurs que lorsqu'ils se permettaient la même chose avec moi, ou lorsqu'ils se montraient odieux.
Je ne tiquai pas lorsqu'il me révéla connaître le colonel Philips. En effet, j'avais été son assistante, et avais coordonné depuis notre base en Europe les opérations qui avaient permis de reprendre les installations de Sir Mornet à HYDRA -j'avais même participé à certaines, lorsque nous lancions plusieurs attaques simultanément sur des complexes proches.
Une fois le thé prêt, je posai une tasse sur la table devant lui, avec le pot de sucre et celui de lait, puis attendis qu'il se serve pour rajouter un nuage de lait dans mon thé. Lorsqu'il me demanda jusqu'où j'étais prête à aller pour protéger le monde, j'eus un demi-sourire. Décidément, peu de choses sur moi avaient filtré hors de la SSR...
« Je suis prête à beaucoup, Sir Mornet. Je suis prête à développer le SHIELD pour qu'il atteigne la puissance que Johann Schmidt visait pour HYDRA. »
Je marquai une pause pour boire une gorgée de thé, et le goût familier se répandit dans ma gorge alors que je réfléchissais à la formulation de ma prochaine phrase.
« Comme vous le savez, le SHIELD n'en est encore qu'à ses balbutiements. Nous ne sommes pas encore assez nombreux pour parler d'une organisation planétaire -seules quatre nationalités sont représentées. Néanmoins, nous grossissons chaque jour, aussi j'ai bon espoir pour la suite. Je pourrais entrer dans les détails, simplement vous comme moi sommes encore trop méfiants l'un envers l'autre pour risquer de divulguer quoi que ce soit. »
Je me relevai du fauteuil où je m'étais assise pour boire mon thé, et passai derrière mon bureau. La veille, j'avais fait préparer une déclaration de confidentialité en trois exemplaires, mais je n'en rapportai que deux -Howard n'était toujours pas arrivé, il aurait le sien plus tard, s'il daignait nous rejoindre.
« Je vous propose donc de signer cet accord de confidentialité. Rien de ce que nous dirons ici ne pourra sortir de la pièce sans autorisation préalable des trois parties -autorisation signée, cela va de soi. »
Je posai les deux exemplaires du contrat sur la table, ainsi que deux stylos.
« Prenez le temps de lire, nous rectifierons si quelque chose ne vous convient pas. »
Laissant mon visiteur à sa lecture, je retournai derrière mon bureau et appelai ma secrétaire pour lui demander de téléphoner à Howard. Toutes les dix minutes jusqu'à ce qu'il décroche. Il allait rater la partie intéressante de l'échange !

Je dus me faire violence pour ne pas jeter le contenu de ma tasse à la figure de Mornet lorsqu'il désigna Howard de « personnage » d'un ton dédaigneux. Certes, il n'était pas l'homme le plus respectable de New York, mais il restait un inventeur de génie et le premier à avoir eu l'idée de mettre sur pied l'agence de renseignement que nous dirigions. De plus, il avait été mon unique soutien après la mort de Steve, et je n'allais pas laisser un homme qui était un parfait inconnu trois jours plus tôt déprécier Howard.
« Sir. »
Je marquai une pause, de manière à ce que mon visiteur prête une attention toute particulière à mes propos. Je ne me répèterai pas deux fois.
« J'ai du respect pour vous, pour l'homme d'affaires et pour le politicien brillant que vous êtes. Mais Howard Stark est mon ami, en plus d'être un ingénieur de premier rang. Je me permets également de vous rappeler que c'est lui qui a eu l'idée brillante de mettre en place le SHIELD. Alors, si vous vous permettez encore une fois de dénigrer Howard au cours de cette discussion, je me verrai contrainte d'y mettre un terme. J'ai certes du respect pour vous, mais j'en ai encore plus pour mon associé. »
Maintenant que j'avais effectué cette petite mise au point -nécessaire, vraiment, à mon avis, de manière à ce que nous partions sur des bases saines- je contournai mon bureau et m'emparai du stylo afin de parapher également les deux exemplaires de l'accord de confidentialité que j'avais posés sur la table, avant de me rasseoir en face de mon visiteur.
« Sachez également que, quelle que soit la décision que je prendrai à l'issue de cette entrevue, elle n'aura de valeur légitime qu'une fois que mon associé l'aura également validée. Bien. Nous avons discuté avec Howard de la semi-proposition présente dans la lettre que vous m'avez envoyée, et nous sommes tous deux très intéressés par ce que vous avez à nous dire. »
Reprenant ma tasse d'une main, j'en bus une gorgée, très calmement -j'avais évacué la colère qu'avaient provoquée en moi les propos de Mornet- puis reposai la tasse sur la table, montrant ainsi à mon visiteur que je lui laissais la parole.

Je me détendis légèrement en écoutant mon interlocuteur s'excuser de ses propos. Bien. Au moins, maintenant, il savait à qui il avait affaire -et il avait également conscience que je ne ferais rien sans Howard, et qu'il faudrait qu'il compte mon associé dans son équation. Parfait.
J'écoutai avec une attention croissante les révélations sur l'ITF de Sir Mornet. Nous avions eu, par le biais d'agents sur place, vent d'interventions sur les territoires de l'ex-Allemagne nazie par des agents qui n'étaient affiliés à aucun service secret connu, et je comprenais à présent d'où venaient ces espions.
A la mention du colonel Philips, je ne pus retenir un léger sourire. Mon ancien mentor et responsable m'avait chaudement recommandée à Sir Mornet ? J'en étais flattée. Bien entendu, nous étions restés en excellents termes après la guerre, et même après qu'il eut quitté la SSR, mais je n'avais pas conscience lui avoir fait autant d'effet.
« Sir Mornet, avant de répondre à votre proposition -que je trouve, au premier abord, fort intéressante, pour ne rien vous cacher- je me permets de vous corriger sur un point : la SSR a été créée avant la découverte d'HYDRA, mais notre mission a été réassignée lorsque nous avons découvert l'existence de cette organisation. »
Je m'autorisai une pause de manière à choisir une formulation claire pour ce que je souhaitais dire, et repris la parole.
« Je vois très bien comment votre organisation pourrait s'intégrer au sein du SHIELD. Voyez-vous, nous avons commencé notre phase de recrutement d'agents il y a un an, et nos premiers espions de terrain sont sortis de notre centre de formation il y a à peine six mois. Nous grossissons chaque jour davantage, mais n'avons pour le moment aucune division interne. »
Pause dramatique, puis je me penchai légèrement vers mon interlocuteur avant de continuer.
« Notre volonté, à Howard et à moi, serait de mettre en place plusieurs unités aux missions complémentaires -toutes au service du maintien de la paix, bien entendu. Une unité de recherche en armement, une unité axée sur la géopolitique, une unité d'agents spécialisés dans l'infiltration, une unité de combat et une unité vouée à la protection de personnages importants lorsqu'ils sont en déplacement dans des zones à risques. »
Je lui laissai le temps de visualiser l'organisation dont mon associé et moi avions longuement discuté, pesant le pour et le contre de chaque division, avant d'achever.
« Si vous êtes d'accord, je pense que la place de l'ITF serait celle de notre unité de combat. »